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Peut-on avoir une vie sexuelle épanouie avec la maladie ?

Sophie, 38 ans, est en pleurs : « Mon médecin m’a annoncé que je ne pourrai plus avoir d’enfants, en raison du traitement. Je n’aurais jamais imaginé avoir une fille unique. Mon mari, encore moins… De toutes manières, je n’ai plus aucune libido. Toutes mes forces sont mobilisées pour rester en vie ! » Elle m’a déjà raconté combien son mari est formidable, très présent, soutenant et amoureux. « Renoncer à la sexualité me paraissait tellement improbable. J’étais totalement déprimée. Je ne me reconnaissais pas. Ça ne peut pas continuer comme ça ! J’ai besoin de faire l’amour, j’ai envie de retrouver mon homme sur ce terrain… » Le cabinet est inondé de soleil en ce milieu d’après-midi, dès que Sophie s’interrompt, le silence nous enveloppe tranquillement. Je la raccompagne en lui souriant au fond des yeux.

Un autre patient, Roland, 57 ans, attendait dans la salle d’attente que le divan se libère. « Le diabète a eu le dessus sur mes érections. Vivre sans faire jouir ma femme, vous n’y pensez pas ! C’est le ciment de notre couple. Je dois trouver des idées ! » Comme toujours il est agité, nerveux. Faire tomber la tension électrique qui émane de lui n’est pas simple !

Malades, oui, mais pas seulement ! ​

Quelques mois plus tard, ces deux patients ont évolué, ils ont réalisé qu’ils ne sont pas que des malades : l’identité ne se réduit pas à un seul des pans de la vie. Ce sont des sujets. Par chance, leur couple est resté un socle de leur existence et l’amour sous toutes ses formes un point d’ancrage. 

Être sujet de sa vie n’est réalisable que lorsque les déterminismes ne guident plus l’individu car il en prend pleinement conscience. On constate que traversant les mêmes circonstances de vie, nous ne réagissons pas de la même manière. 

Chaque personne est singulière et a une personnalité différente, la maladie se vivra en fonction de qui on est. Que tout un chacun soit affecté par les épreuves endurées, c’est un fait. Que l’on puisse trouver remède auprès de son entourage aussi et c’est également un appui considérable dans tout traitement.

Renforcer les forces vives d’une personnalité aide à se relever et ne pas être abattu dans sa libido en tant que pulsion de vie. C’est le succès d’Eros contre la destructivité des épreuves.

Retrouvons Sophie et Roland. « La libido peut renaître après une période de fléchissement. C’est le message que mon mari m’a adressé. Par sms ! Et si vous saviez le bien que ça m’a fait… On a pu reparler de tout ça et se retrouver physiquement. Nous avons réussi à sortir de l’impasse. » « Ce n’est pas impossible d’avoir des idées en matière de sexualité, ce qui est compliqué en revanche c’est de quitter un mode de fonctionnement. Vous savez quoi ? En tant qu’homme j’ai découvert plein d’autres sources de plaisir partagé puisque la situation m’y oblige. Eh bien, j’en suis heureux. Comblé même ! »

La parole, un outil essentiel pour une vie affective et sexuelle épanouie

Ces brèves de cabinet montrent que la parole est un préalable. En restant avec des angoisses non formulées on ne peut pas avancer. A l’inverse prendre conscience et exprimer ce que l’on vit intérieurement est déjà un grand pas dans la résolution des problèmes. La sexualité peut devenir un problème au cours de l’existence, par exemple avec des maladies chroniques. Si on a envie (et seulement si on en a l’envie) cette jeune femme et cet homme mûr montrent qu’il est possible de se relancer. Parce que la sexualité est pour ces deux personnes un élément de santé, d’équilibre, ils ont tenté de dépasser ce qui était venu changer leur vie intime. Happy end !

Est-ce toujours le cas ? Puisque nous avons souligné la singularité de chaque personne, il est évident que « toujours » ne rime pas obligatoirement avec amour. Pour favoriser les évolutions positives, il est essentiel de se quitter aujourd’hui en concluant par l’importance cruciale de formuler ce que l’on ressent de plus intime auprès de professionnels neutres et bienveillants. Cet accompagnement permet de se décharger de beaucoup de charges négatives et libère.

 

 

Ce contenu a été rédigé par Catherine Grangeard, Psychologue, psychanalyste

 

FR–10705 01/2022.

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